Ces dernières années, le réchauffement climatique est devenu un sujet incontournable sur la scène internationale. Un nombre croissant de pays, qu’ils soient pollueurs ou victimes de la pollution des autres, prennent de plus en plus d’initiatives dites « vertes » afin d’anticiper et d’atténuer de probables répercussions néfastes.
Alors qu’en est-il du Japon ? Le pays en fait-il assez pour lutter contre le réchauffement planétaire ? Est-il un bon ou un mauvais élève comparé aux autres ?
C’est une problématique majeure pour ce pays car il est particulièrement vulnérable aux effets dévastateurs du réchauffement climatique. C’est un archipel constitué de nombreuses îles dont une partie du littoral est susceptible d’être affectée par l’érosion côtière liée à la montée du niveau de la mer. Sans oublier le blanchiment des coraux (présents autour de l’archipel d’Okinawa) lié au réchauffement des océans. Il se trouve également en plein sur la trajectoire des typhons qui ravagent de plus en plus régulièrement la moitié sud du territoire. Enfin les canicules, dont la dernière a eu lieu au cours de l’été 2018 et qui a causé la mort de plusieurs dizaines de personnes, représentent une véritable menace pour une population dont près d’un tiers a plus de 65 ans.
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Le Japon est un pays riche, membre du G7 et leader dans plusieurs domaines (technologique, électronique, informatique ou encore sur le marché de l’automobile et de la recherche par exemple) qui comme beaucoup d’autres, est en quête d’une croissance économique soutenue. Mais trop souvent, cette soif de croissance nuit à l’environnement.
Inutile donc de préciser que ce sont bien souvent les pays les plus riches qui polluent le plus. Le côté positif, c’est que ce sont justement ces mêmes pays riches qui ont les moyens de financer et d’atteindre leurs objectifs en termes de politique environnementale. Le Japon a donc clairement les moyens d’investir dans les infrastructures nécessaires pour effectuer une transition écologique à l’échelle nationale.
Essayons maintenant d’y voir plus clair et de manière objective.
Commençons par quelques aspects positifs.
Le système de tri et de recyclage. Le Japon a mis en place de nombreuses règlementations concernant le recyclage des déchets. Le service de tri est tellement minutieux sur l’archipel qu’il en deviendrait presque trop complexe ! Les étrangers et les Japonais eux-mêmes s’y perdent souvent.
Ici, les citoyens doivent recycler entre autres le plastique, le papier, les bouteilles estampillées PET, l’aluminium, le carton et le verre ainsi que divers déchets électriques et électroniques. Cependant, même si la zone de collecte couvre l’ensemble du pays, le site PlanetAid précise que le taux de recyclage se situerait seulement autour de 20 %. C’est peu comparé à l’Allemagne par exemple qui en 2018 recyclait environ 65 % de ses déchets. Selon le site Waste Atlas, le Japon produirait aussi énormément de déchets, plus de 350 kg par personne chaque année.
Le recours à l’énergie solaire. L’énergie solaire au Japon connait une croissance très rapide, surtout depuis la mise en place en 2012 d’une politique de soutien gouvernementale parmi les plus attractives au monde. L’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) estime la production japonaise d’électricité solaire photovoltaïque à 5,9 % de la production totale d’électricité fin 2017. En 2017, le marché photovoltaïque du Japon s’est classé au 4e rang mondial pour la puissance installée dans l’année avec 7 % du marché mondial. Le marché japonais de l’énergie solaire est très attractif et de nombreux opérateurs étrangers, dont trois entreprises françaises, se sont implantés avec succès au Japon avec l’intention de développer leurs activités sur le territoire japonais.
Le Japon a mis en place plusieurs mesures d’envergure nationale destinées à réduire la pollution de l’air. Il a notamment incité les entreprises japonaises à rembourser les frais de transports de leurs employés. Ces derniers pouvant s’élever à plusieurs dizaines d’euros par mois, c’est un gain financier non négligeable pour la population. Surtout, cela a conduit à réduire l’usage de la voiture personnelle, à une utilisation accrue des transports en commun et à une décongestion des routes. In fine, cette initiative a contribué à rendre l’air plus propre. Ajoutons à ça que le Japon compte plus de 70 millions de vélos, un des moyens de transport le plus respectueux de l’environnement.
Voyons désormais quelques points négatifs.
Au Japon, l’isolation des maisons est si mauvaise, que c’est devenu l’un des enjeux de lutte du pays contre le changement climatique. Les habitations nippones sont de véritables passoires énergétiques, traditionnellement conçues pour laisser circuler l’air pendant les étés brûlants, mais incapable de retenir la chaleur en hiver. Quelques mois avant les Accords de Paris de décembre 2015, les autorités nipponnes se sont fixées l’objectif de réduire de 39 % les émissions de dioxyde de carbone des habitations d’ici à 2030 par rapport à leur niveau de 2013.
Le nucléaire. Avant l’accident à la centrale de Fukushima en 2011, l’électricité d’origine nucléaire constituait environ 30 % du mix énergétique et devait passer à 40 %. Mais tous les réacteurs nucléaires du pays ont été mis à l’arrêt après l’incident. Cet épisode grave a tout de même permis de relancer le débat sur la transition énergétique vers les énergies renouvelables. Cependant mi-2018, le gouvernement de Shinzo Abe a décidé de reprendre le chemin du nucléaire et a approuvé un plan énergétique visant à relancer cette industrie afin d’atteindre une proportion de 20 % à 22 % d’électricité d’origine nucléaire à l’horizon 2030.
C’est un sujet controversé sur l’île car une partie des habitants et des élus locaux aimeraient une sortie du nucléaire. Mais le gouvernement considère que le nucléaire, qui n’émet pas de CO2, est « une ressource indispensable » à utiliser conjointement avec les énergies renouvelables et compte même faire construire prochainement de nouveaux réacteurs.
Les sacs plastiques jetables. Si vous êtes déjà venu au Japon, vous avez certainement dû vous en rendre compte, le suremballage est un vrai problème ici ! Après un simple passage en caisse, on se retrouve avec de nombreux sacs plastiques inutiles. L’explication a une origine culturelle : ici, le service doit être optimum partout et tout le temps. On ne recule donc devant rien pour satisfaire le client et lui faciliter la vie. Quitte à distribuer des sacs plastiques à la pelle, à fournir systématiquement des pailles et des baguettes en bois, voire à emballer individuellement fruits et légumes,
Le Japon dispose de peu de ressources naturelles exploitables sur son territoire. Il est par conséquent très dépendant de ses fournisseurs d’énergie et des matières premières qu’il importe. Cela a récemment conduit le Japon a être accusé par des dizaines d’ONG d’exploiter les forêts tropicales d’Indonésie et de Malaisie pour construire les installations en vue des jeux olympiques de 2020 notamment. Un scandale environnemental qui entache la réputation du pays qui se voudrait exemplaire dans le combat pour la survie de la planète.
Voici encore quelques chiffres et informations à propos du Japon. (cliquez sur les liens en rouge pour plus d’informations)
– Le Japon est le 5e plus gros émetteur de CO2 au monde.
– En 2018, selon le site Care2, le Japon jetait 157 kg de nourriture par personne et par an. Cela équivaut à environ 20 millions de tonnes de déchets alimentaires chaque année. Il se place ainsi parmi les plus gros gaspilleurs au monde. On peut tout de même noter qu’il existe déjà plusieurs initiatives pour tenter de les revaloriser.
– En 2018, l’Indice de Performance Environnementale (EPI en anglais), un rapport biannuel créé pour évaluer, comparer et améliorer l’efficacité des politiques environnementales basé sur 24 critères (dont la qualité de l’air, la gestion de l’eau et des forêts par exemple), classait le Japon 20e sur 180 pays avec un score de 74.69. Un rang plutôt correct donc. À titre de comparaison, la France est à la deuxième place !
– Selon le journal Nikkei Asian Review, 45 milliards de sacs plastiques à usage unique seraient distribués chaque année aux caisses des magasins, des supermarchés et des convenience store japonais. Même s’ils sont parfois devenus payants, cela n’empêche manifestement toujours pas leur distribution massive. Le Ministère de l’Environnement national vise une réduction de 25 % du nombre de sacs distribués à l’horizon 2030.
– Lors des prochains Jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo en 2020, le Japon compte produire l’intégralité de ses médailles (5 000 médailles d’or, d’argent et de bronze au total) en métaux recyclés afin de limiter l’impact négatif des Jeux sur l’environnement, mais également afin de sensibiliser les sportifs et les spectateurs au recyclage.
Les engagements du Japon pour l’avenir.
Lors des précédentes conventions et conférences internationales sur le climat, le Japon, comme de nombreux autres nations, a pris et signé des engagements pour limiter l’impact du réchauffement climatique. Voyons donc ce qu’il compte mettre en œuvre et où il en est rendu.
- Le protocole de Kyoto en 1997. Le protocole de Kyoto est un traité international qui vise à diminuer les émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Il a été ratifié le 11 décembre 1997 lors de la 3e Conférence des parties (COP3) et il est entré en vigueur le 16 février 2005. L’accord visait à réduire entre 2008 et 2012, les émissions de six gaz à effet de serre d’au moins 5 % par rapport au niveau de 1990. Aujourd’hui, le bilan du protocole de Kyoto est globalement considéré comme plutôt positif, mais pas suffisant. Beaucoup reste à faire et une modernisation pour l’adapter à la situation actuelle serait nécessaire. Surtout, si l’on compare les données pour le Japon, pays hôte, on s’aperçoit que sur la période 1990-2012, les émissions de CO2 ont augmenté de 12 %.
- La Conférence des Parties (le plus souvent abrégée en COP). Cette conférence mondiale sur les changements climatiques a lieu tous les ans depuis 1995 et le Japon en est un pays membre depuis le début. Lors de la Conférence de Paris sur le climat (la COP21) en avril 2016, les Accords de paris sont entrés en vigueur. Ils sont le premier accord universel sur le réchauffement climatique et le Japon en est signataire.
Selon une étude dressée par des experts américains, le World Ressources Institute et par deux centres de recherches britanniques (le Grantham Research Institute et le Centre for Climate Change Economics and Policy), l’application concrète de ces accords par les signataires est plutôt décevante. Selon l’étude, seules seize nations – dont trois du G20 incluant le Japon– appliquent les résolutions qu’elles avaient posées de manière volontaire après le sommet.
Selon une étude publiée dans la revue scientifique Environmental Research Letters en 2017 et relayée sur Twitter notamment par l’Agence France Presse (AFP) en 2018, le bon geste pour réduire son empreinte carbone, serait de faire moins d’enfants. Aujourd’hui, cette idée qu’une pression démographique moindre ne peut qu’affecter positivement l’environnement se répand de plus en plus dans certaines sociétés. Même si le gouvernement japonais est loin d’être adepte du Malthusianisme (Le Malthusianisme est une doctrine politique prônant la restriction démographique inspirée par les travaux de l’économiste britannique Thomas Malthus), on peut tout de même constater une préoccupante baisse démographique depuis quelques années sur l’archipel. Ceci pourrait à terme, réduire significativement la demande en ressources et la croissance urbaine et à la fin, être bénéfique pour l’environnement.
Pour en savoir plus : Pourquoi les Japonais ne font plus d’enfants ?
Pour terminer, évoquons brièvement le sujet de la réouverture de la chasse à la baleine annoncée fin 2018 par le gouvernement nippon. Le gouvernement japonais a annoncé que cette activité controversée devrait reprendre officiellement vers juillet 2019. Même si ce n’est pas en rapport direct avec le climat, cette annonce concerne malgré tout l’environnement et est hautement emblématique. On peut tout de même se rassurer en se disant que de toute façon, le Japon n’a jamais vraiment cessé de chasser les baleines. Il continuait sous le prétexte fallacieux de la recherche scientifique. Au moins, en quittant la Commission Baleinière Internationale – CBI – le Japon redevient désormais honnête avec le reste du monde.
Surtout, en quittant la CBI, le Japon permet aussi à cette même commission de voter et d’adopter la création d’un nouveau sanctuaire pour les baleines dans l’Atlantique Sud. C’est un projet que le Japon avait toujours fait capoter en y apposant son véto. À l’annonce du retrait du Japon de la CBI, Paul Watson, le militant écologiste qui a fondé l’organisation Sea Shepherd, un groupe d’activistes dont la préoccupation majeure est la protection des océans, a déclaré : « En d’autres termes, les Japonais comme les Norvégiens, les Danois et les Islandais (les derniers pays chasseurs de baleines sur la planète) sont désormais confinés sur leurs propres côtes pour la pêche au Cétacé. Cela signifie ainsi que l’ensemble de l’hémisphère sud sera enfin débarrassé des baleiniers pour la première fois dans l’Histoire. »
Conclusion
En résumé, sans être un leader mondial en matière de protection de l’environnement, le Japon est tout de même loin d’être à la traine, comparé aux autres nations engagées dans la bataille pour le climat. Au sein de la région Asie, il fait même figure de modèle. Les projets et les efforts du gouvernement permettent au pays de tirer correctement son épingle du jeu en matière d’écologie et de lutte contre le réchauffement climatique.
Mais on est encore très loin d’une société zéro déchet, zéro pollution. Le Japon compte depuis longtemps parmi les économies les plus développées de la planète et reste par conséquent un gros pollueur.
En ce qui concerne les actions et engagements pris ces dernières années, beaucoup reste encore à faire et on ne peut que souhaiter que les promesses faites lors des précédentes conventions internationales soient effectivement mises en application. Des changements à grande échelle doivent également s’opérer afin d’établir un cercle vertueux entre environnement et croissance.
Non seulement le gouvernement, mais également les entreprises japonaises doivent remettre en question le système de consommation actuel, tout en impliquant et en sensibilisant plus la population aux nouvelles méthodes et habitudes à prendre pour consommer de manière plus respectueuse pour l’environnement. Une propagation efficace des bonnes manières à adopter et une remise en cause profonde des manquements du système actuel seront indispensables pour trouver des solutions effectives.
La nation japonaise doit faire preuve d’auto-critique pour qu’une vraie prise de conscience ait lieu et que l’activisme se développe. Il existe déjà plusieurs organismes qui cherchent à sensibiliser le public à ces enjeux comme 350.org Japan, FridaysForFuture ou Sustainable Japan. Des actions commencent aussi à avoir lieu comme la participation de certains citoyens lors de La Marche Mondiale pour le Climat qui a eu lieu en mars 2019, mais cette mobilisation reste pour l’instant embryonnaire.
Globalement bien engagé et conscient des enjeux à l’échelle mondiale et nationale, je pense que le pays a un fort potentiel (structures et systèmes déjà existants et forts investissements disponibles) pour permettre une transition écologique efficiente. Mais tous ces dispositifs ne sont pas exploités à leur maximum ni assez rapidement, donc pour résumer : peut mieux faire.
Le réflexe environnemental n’est malheureusement pas encore une préoccupation majeure ici. Les thématiques politiques actuelles tournent plus souvent autour de l’immigration et de la décroissance démographique. La transition écologique pourrait et devrait s’effectuer plus vite car le pays en a les capacités. Le pays devrait par exemple viser à appliquer plus efficacement une résolution qu’il a lui-même prise lors du G8 en 2008 à Kobe, le « 3R Action plan« qui vise à Réduire, Réutiliser et Recycler les déchets plus efficacement.
L’avantage au Japon, c’est que lorsqu’une décision est prise, les choses s’organisent en général très vite par la suite pour tout mettre en application.
Pour conclure, si je devais noter le pays proportionnellement aux résultats et aux efforts engagés pour le climat, je lui mettrais la note de 13/20.
Voilà, j’espère que cet article vous aura aidé à y voir plus clair sur ce vaste sujet. C’est un thème que j’avais envie de traiter depuis longtemps et ça m’a pris pas mal de temps d’effectuer les recherches car c’est un gros dossier. J’ai lu, recoupé et compilé de nombreuses informations trouvées sur de nombreux sites (japonais, francophones ou anglophones) afin de l’écrire. J’ai bien sûr essayé de me procurer les données et informations les plus récentes possibles et de ne publier que ce qui était précisément daté.
Cet article sera mis à jour à la première occasion si de nouveaux éléments sont disponibles. Je compte bien sûr sur votre aide, donc n’hésitez pas à me suggérer des liens et actualités sur le sujet si vous en trouvez !
Si vous avez envie d’en savoir plus, je vous invite à prolonger les recherches par vous-même en cliquant sur les liens disséminés plus haut pour accéder aux articles originaux. Vous pouvez aussi facilement retrouver sur Internet les études que je cite pour remonter à la source de l’information. À titre informatif, voici mes principales sources et sites de références :
- ClimateActionTracker.org
- ConsoGlobe.com
- Numbeo.com
- OECD – Organisation de coopération et de développement économiques
- University of Yale
- PlanetAid
- Wikipédia
Merci de m’avoir lu jusqu’au bout. À bientôt sur MycrazyJapan !
Intersting…was already thinking about the possibility of doing environmental studies cuz the subject is genuinely global i should add japan as a country where i might go to study it.