10 ans au Japon ! [Dernier bilan]

Ça y est, la décennie est atteinte !

À chaque bilan, je commence souvent par vous dire que ça fait longtemps et que j’ai du mal à réaliser blabla, mais là 10 ans ça fait vraiment beaucoup. J’ai plutôt l’impression d’être là depuis 20 ans quand je me remémore certains souvenirs et que je vois le parcours que j’ai derrière moi ici.

Pour vous donner une idée de ce que représente 10 ans à vivre au Japon pour moi, quand je suis arrivé :

  • Le yen s’échangeait à moins de 140¥ pour un 1 euro, contre plus de 170¥  à l’heure où j’écris ces lignes (avec des pics récents à plus de 170¥).
  • En 2014, la population du Japon était d’environ 127,1 millions d’habitants pour environ 122 millions en 2024 selon les projections.
  • Le nombre de touristes cette année-là était d’environ 15 millions par an, contre presque 30 millions à l’heure actuelle, malgré le fait que presque personne n’a pu entrer le pays en quasi 3 ans. Et ce doublement du nombre de visiteurs se voit et se ressent vraiment au quotidien…
  • Le Covid n’avait pas encore frappé l’archipel et impacté les habitudes hygiéniques de tout le pays.

Mes débuts vs Ma situation actuelle

En arrivant au Japon il y a 10 ans, je dois avouer que je n’avais pas beaucoup de projets en tête. L’objectif principal de mon Working Holiday était simple : survivre une année sans dépenser toutes mes économies, trouver du travail et progresser en japonais. On peut dire que c’est une réussite pour le coup !

Cette année a été intense niveau accomplissements. Fin décembre 2023, un collègue Team Leader a quitté la boite un peu à l’arrache. Du coup, on m’a proposé son poste et j’ai accepté. J’ai donc été catapulté à son poste dès le début de l’année, et j’ai encore bougé de poste vers juin-juillet. Cette promotion a été malheureusement accompagnée de beaucoup de stress. Le rythme de travail est désormais plus intense que quand j’étais un « simple » marketeur.

Je n’en suis pas encore à m’endormir comme les Japonais dans le métro, mais disons que je les comprends de plus en plus. Dix jours de vacances par an, ce ne sera jamais assez.

Mais bon, au moins, depuis ce début d’année, la maison est enfin construite et l’emménagement terminé. Ca nous a pris quelques mois pour meubler et acheter tout ce qu’il nous fallait, mais au moins maintenant, on se sent chez nous. Et on a un lave-vaisselle maintenant ! Autant dire que quand des amis Japonais passent à la maison, c’est l’ébahissement absolu.

My Crazy Japan Bilan 10 ans Aquarium
Mon aquarium installé dans le mur et ma femme qui l’admire d’un œil distrait.

Par contre, depuis que j’habite un peu plus à la campagne, j’ai l’impression de vivre dans une maison de retraite à ciel ouvert. Je ne suis même pas si excentré que ça, entre ma maison et le centre-ville, il n’y a même pas 30 minutes de train. Mais dans les rues et les boutiques, l’ambiance c’est The Walking Dead.

Quand je vais au supermarché, sans exagérer, une personne sur deux a plus de 60 ans. C’est quasiment que des petits vieux qui viennent prendre l’air, trainailler et trouver une occasion de socialiser un peu. Tu sais qu’ils sont vraiment pas là pour acheter en plus, car la plupart n’ont pas de panier, pas de chariot, pas de portefeuille visible et ils se baladent juste les mains dans les poches ou dans le dos. Ils sont gentils franchement, mais quand t’as pas le temps, c’est relou de devoir attendre derrière eux qu’ils finissent de visiter le rayon yaourts.

Introspection : Quel futur pour moi au Japon ?

Tout d’abord, je vais tenter d’apporter une réponse à une question que vous devez surement vous poser : Combien de temps vais-je rester au Japon ?

J’aimerais pouvoir vous apporter une réponse claire dans ce dernier bilan, mais la vérité, c’est que même moi, je ne sais pas.  La seule certitude, c’est que vu que je suis désormais propriétaire d’un bien immobilier ici, je suis forcément ici pour un bout de temps. Un retour en France n’est pour l’instant pas à l’ordre du jour. Je n’en ai ni l’envie, ni l’intérêt. J’ai trouvé mon équilibre d’expatrié ici, professionnellement, sentimentalement et depuis peu, matériellement. Et quand on en a marre du Japon, on part faire un petit voyage à l’étranger et cela suffit à notre dépaysement.

Si jamais je devais bouger, ce serait pour une opportunité professionnelle vraiment unique, et je pense que je resterai quand même en Asie.

Je pense même prochainement tenter le visa permanent, même si je n’en ai plus réellement besoin dans l’immédiat. Le visa époux a été suffisant pour obtenir un prêt immobilier et je n’ai plus à le renouveler chaque année. Je pense déposer ma première candidature juste après le prochain renouvellement de mon visa actuel. Si jamais je l’ai, ça pourra toujours servir par la suite.

Sinon, après tant d’années ici, je peux clairement affirmer que le Japon m’a transformé. Je ne serai pas la même personne si j’étais resté en France. Il y a certainement un peu de maturité qui s’est accumulée également, mais je peux affirmer avec certitude que la culture de mon pays d’expatriation a déteint sur moi de manière positive.

My Crazy Japan Bilan 10 ans Matsuri
Le matsuri de mon quartier en été. Des yatais, des taikos, 40°C.

Anecdotes

Voici les dernières anecdotes pour ce dernier bilan. Il m’est arrivé évidemment des tas d’autres aventures cocasses ou palpitantes, mais il fallait bien faire une sélection. J’espère qu’elles vous plairont.

L’anecdote majeure est une petite histoire qui va surement vous surprendre autant que moi quand je l’ai entendue.

Dans ma boite, depuis plusieurs mois, il y a un prof d’anglais qui vient pour aider les Japonais à progresser dans la langue. Je le vois chaque semaine dans l’open office, mais je n’ai jamais eu l’occasion de lui parler jusqu’à ce qu’un jour, il m’aborde au bureau.

Il me fait « Tu sais qu’on a travaillé dans la même boite il y a quelques années ? Je t’avais vu à Epion. J’avais effectivement fait quelques mois dans cette eikaiwa avant de partir pour bosser en école privée, car les conditions étaient meilleures.

Et il me sort dans la foulée « Tu sais que t’as créé un bon bordel à l’époque ? ». Surpris, je hausse les sourcils en mode « De quoi ? ». J’étais resté moins de 4 mois dans cette eikaiwa, mais ça c’était très bien passé. Il continue et me sors de but en blanc: « Oui, en fait, à l’époque, ils avaient une politique de ne pas embaucher des personnes de couleur (soi-disant, ils faisaient peur aux enfants). Mais quand ton CV est arrivé, ils n’ont pas réussi à l’ouvrir sur PC, et du coup, ils l’ont envoyé sur le fax pour pouvoir l’ouvrir (en noir et blanc donc). Et du coup, ils n’ont pas vu que tu n’étais pas blanc et c’est pour ça qu’ils ont approuvé ta candidature ».

À l’époque, c’était en 2015 je me souviens, j’avais reçu un mail me proposant de venir réaliser une demo-lesson. Fait important, il faut aussi savoir que c’étaient les étrangers déjà embauchés par cette eikaiwa qui faisaient passer les demo-lesson. Aucun Japonais n’était impliqué à ce stade du processus. Et manifestement, les étrangers n’avaient pas reçu le mémo leur précisant qu’ils devaient discriminer certaines catégories de personnes ! Du coup, j’étais arrivé à l’école, j’avais fait ma leçon, et le gars qui m’avait fait passer le test avait dû renvoyer un rapport en disant, j’imagine : « C’est bon, il sait faire le taf, il est embauchable ». Du coup, les HR et le management japonais n’y ont vu que du feu (n’étant pas sur place dans les écoles), ont validé ma candidature et quand ils ont réalisé, c’était trop tard pour me virer sous ce prétexte.

Inutile de préciser qu’aucun enfant n’a été traumatisé par ma présence, le racisme et les préjugés n’étant pas innés. Et les staffs Japonais dans l’école où j’ai été placé ont tous été adorables. Mais disons que maintenant, je comprends mieux pourquoi les parents me filmaient constamment de derrière la baie vitrée quand je donnais cours à leurs enfants…

Je vous avoue que je suis resté un peu sur le cul après avoir entendu cette histoire, sans savoir trop quoi en penser. Je ne me serais jamais douté qu’un fax avait pu me permettre de décrocher un job dans ces conditions…

My Crazy Japan Bilan 10 ans Orelsan
Je ne vous ai pas dit ? J’ai croisé Orelsan à Osaka qui se baladait à Amemura.
  • Jusqu’à cette année, en habitant dans le centre-ville, je venais en train au bureau. Ça faisait donc plusieurs années que je n’avais pas pris le train pour faire la navette jusqu’au travail. Depuis que j’y suis forcé, il se passe rarement un mois sans que ma ligne soit arrêtée à cause d’un « incident passager », autrement dit un suicide. C’est assez triste de se rendre au bureau en se disant que tant de gens craquent littérallement en chemin…
  • Ça fait désormais 10 ans que j’essaye d’apprendre aux Japonais l’utilité des mouchoirs. Le Japon à ce niveau, c’est un enfer si tu es misophone: ça renifle de partout et à toutes les saisons. Le métro sans les écouteurs, c’est une torture.
  • En 10 ans ici, je n’ai toujours pas utilisé le jet pour nettoyer les fesses. Désolé, psychologiquement, je peux pas…
  • J’ai vu passer des tanukis (une espèce de raton laveur japonais) dans mon jardin une fois, toute une famille ! Ils étaient super mignons avec leurs petits masques de voleurs et ils m’ont d’ailleurs mangé tous mes épis de maïs !
  • Ça ne fait pas encore un an qu’on a déménagé, du coup, je ne connais pas encore tous les us et coutumes de notre quartier. Et j’ai découvert à mes dépens cet été, qu’il y a un matsuri littéralement à 100 mètres à côté de chez nous, et qui consistait à taper toute la soirée sur des taikos, ces gros tambours japonais. Tous les soirs… Pendant 2 mois consécutifs… Les bâtards…
My Crazy Japan Bilan 10 ans Danjiri
Les fameux danjiris en bois, traditionnellement portés ou trainés à travers tout un quartier.

Quel avenir pour le blog ?

Voilà, ce bilan devrait marquer la fin de mes bilans annuels. Comme je l’expliquais dans mes bilans précédents, j’ai de moins en moins de temps à consacrer au blog, et même un bilan par an, c’est devenu trop pour moi. Pareil pour les articles déjà écrits ; les tenir à jour prendrait déjà un temps considérable que je n’ai plus. Je dédie beaucoup d’énergie mentale au travail et ça m’épuise pas mal.

L’envie de bloguer et de partager mes aventures est toujours là, au fond de moi, mais elle s’étiole de plus en plus avec le temps. Je procrastine constamment la rédaction de nouveaux contenus et finalement, je me mets la pression pour rien. Alors plutôt que me mentir à moi-même en pensant « Allez, le mois prochain, je m’y remets vraiment », je préfère finir sur un bilan symbolique des 10 ans et ne rien promettre, ni à moi, ni à vous chers lecteurs qui me suivez encore après tout ce temps.

Et puis j’ai également eu l’occasion d’aborder la majeure partie des sujets que je voulais aborder sur ce blog, donc je ressens moins la nécessité de publier sur de nouveaux sujets. Cela ne veut pas dire que je n’écrirai plus sur le blog, mais ce seront plutôt des articles ponctuels en fonction de mon temps disponible et sur des sujets qui m’inspireront tout particulièrement. La probabilité que j’écrive d’autres articles reste donc quand même assez élevée.

Voilà, c’est tout pour cet ultime bilan des 10 ans qui, je l’espère, vous aura plu.

À tout ce qui m’ont suivi jusqu’à maintenant, que vous soyez la depuis le début ou que vous ayez rejoint mon aventure en cours, je vous dit un grand merci. Ca me surprend et me fait toujours plaisir quand encore maintenant, quelqu’un me croise et me sors « Tu serais pas MycrazyJapan ? ». Ca me rassure et me conforte dans l’idée que mes lignes sont tout de même lues.

À bientôt,

Manu

 

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