Comment le Japon influence la France depuis plus de 50 ans

Pendant des décennies, le Japon a influencé la France plus que n’importe quel autre pays dans le monde. Avec cet article, je vous propose de remonter aux origines de la japonomania et tout particulièrement au début des années ’70 afin de comprendre comment le Japon influence la France depuis plus de 50 ans !

C’est effectivement à partir de cette période que les – déjà – nombreuses productions artistiques de l’empire culturel du Soleil Levant ont trouvé en France un terreau extrêmement fertile pour se développer.

*Vous trouverez indiquée à chaque fois entre parenthèses la date de sortie de l’œuvre originale au Japon pour vous aider à mieux la situer au sein de cette vaste chronologie.

Alors quelles sont les raisons d’une telle réussite commerciale ?

Pour comprendre comment le Japon influence et captive la France avec ses séries animées, ses films d’animation, ses jeux vidéos, sa musique ainsi qu’à travers de nombreux jeux et autres divertissements, il faut remonter environ un demi-siècle en arrière.

Le Japon, poids lourd du soft power culturel

Tout comme les États-Unis, le Japon est une nation très habile lorsqu’il s’agit de promouvoir sa culture à l’international. C’est pourquoi beaucoup d’entre nous ont grandi avec quelque chose de japonais, que ce soit une série animée ou des films d’animation, des cartes à collectionner tirées d’un manga ou encore une console de jeu aujourd’hui devenue rétro.

Certaines franchises nous ont ainsi accompagné durant une bonne partie de nos vies et certaines ont parfois même diverti et marqué durablement plusieurs générations.

Une enfance en rouge et blanc pour nombre de jeunes Français

Personnellement, j’ai découvert mes premiers produits en provenance du Japon lors de mon entrée en 6ᵉ avec les fameuses cartes Pokémon et l’animé qui allait avec. Depuis cette époque, chaque étape de ma vie a vu son apport de produits culturels japonais, que j’en sois conscient ou non : j’ai par exemple vu tous les films Ghibli, lu pas mal de mangas et d’animés, écouté de nombreux artistes nippons et même fait du judo.

Qui a gardé son booster de cartes à collectionner depuis le collège ?

J’ai coché le bingo de tout bon fan du Japon sans même le vouloir. Et encore comparé à d’autres aficionados du Japon, je trouve que je suis passé à côté de beaucoup de choses !

Et petit à petit, cette exposition pendant mon enfance a fini par susciter chez moi un intérêt tel que j’ai fini par ressentir le besoin d’apprendre la langue de ce pays et éventuellement de vouloir y aller. Et je suis clairement loin d’avoir été le seul.

Un marketing culturel redoutable

Car l’irrésistible industrie culturelle nippone est une machine commerciale aux rouages bien huilés qui s’exporte avec facilité dans de nombreux pays. Et c’est évidemment la puissance économique et industrielle du pays qui le rend capable de diffuser massivement sa culture un peu partout dans le monde.

Car il faut bien admettre que le savoir-faire marketing des Japonais est remarquable. En à peu près cinq décennies, le Japon a su se constituer à l’échelle mondiale un empire culturel qui a conquis non seulement la France, mais également de nombreux autres pays dans le monde, s’exportant aisément jusqu’aux États-Unis, pourtant un puissant rival en ce qui concerne le marketing culturel.

On peut aussi souligner le fait que leur cadence de production de nouveaux contenus culturels est très soutenue.

Surtout, la recette commerciale secrète du Japon, c’est qu’il n’y a quasiment aucun frein ni aucune démarcation claire entre les différents genres artistiques. Les Japonais ne s’embarrassent ainsi pas de barrières commerciales ou techniques lorsqu’il s’agit de faire la promotion d’une franchise qui marche. Et c’est justement cette perméabilité commerciale et artistique entre les genres et les arts qui caractérise le marketing à la japonaise.

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Une collaboration entre la marque de montres SEIKO et la franchise Naruto/Boruto en 2020.

Je vous explique le système avec un exemple classique : un manga à succès devient rapidement un animé puis est adapté en un ou plusieurs films au cinéma. Il est ensuite (souvent simultanément d’ailleurs) décliné en de multiples jeux vidéos et autres types de jeux jusqu’à parfois avoir sa propre attraction au sein d’un parc à thème.
Et n’oublions pas de mentionner l’inépuisable déferlement de produits dérivés qui accompagne l’œuvre durant et jusqu’à des années après sa diffusion.

C’est d’ailleurs une autre caractéristique notable du marketing japonais : la longévité de ses marques et franchises commerciales. La série de mangas One Piece par exemple a vu le jour en 1999 et n’est pas encore achevée au moment où j’écris ces lignes.

Certaines franchises mythiques comme Pokémon (1996) ont ainsi joué sur absolument tous les tableaux pendant près d’un quart de siècle : mangas, animés, jeux vidéo, cartes à jouer/collectionner, films, produits dérivés, magasins dédiés (les Pokémons Centers), etc.
Cette franchise est d’ailleurs l’exemple parfait de la mondialisation « Made in Japan » dans l’industrie du divertissement.

On peut bien sûr aussi mentionner la franchise Super Mario (1985), qui a usé de cette même stratégie commerciale jusqu’à la corde et qui aura droit à sa propre zone à thème au sein du parc d’attraction Universal Studio Japan en 2021.

Cette réussite commerciale japonaise à l’international est d’autant plus formidable lorsque l’on sait que la majorité des œuvres culturelles nippones sont en vérité produites à destination du public local. La plupart ne sont ni traduites ni doublées et ne sortent donc pas de l’archipel.

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L’attraction Super Nintendo World à Universal Studio, Osaka.

La conquête japonaise de la Gaule

Le paysage audiovisuel français notamment, a malgré – et il faut tout de même le souligner – quelques réticences du public français dans les années ’90 -, été extrêmement perméable à l’influence japonaise.

Bien plus que dans n’importe quel autre pays. Les séries animées nippones ont ainsi longuement prédominé sur les ondes françaises, en particulier dans les émissions jeunesses d’il y a quelques décennies. Ce sont ces programmes télévisuels qui ont en grande partie contribué à populariser la culture japonaise en France.

Une perméabilité culturelle hors normes avec la France

Il y a plus de 40 ans déjà, l’émission jeunesse Récré A2 (1978-1988) rencontrait un succès important en diffusant des dessins animés japonais : Albator (1969), Goldorak (1975), Candy Candy (1976), Lady Oscar (1979) ou Cobra (1982) par exemple. On peut même noter que Récré A2 était justement considérée à l’époque comme innovante pour son choix de diffuser des dessins animés japonais.

Puis ce fut ensuite à l’inoubliable Club Dorothée (1987-1997) de prendre la relève. L’émission prit aussi la décision de dédier une part importante de son temps d’antenne aux productions nippones. En effet, sur plus d’une soixantaine de séries et sitcoms diffusées pendant sa diffusion, 26 (40%) étaient des productions japonaises !

Il faudra d’ailleurs une loi sur les quotas télévisuels en 1990 pour que la proportion de séries japonaises diminue progressivement au profit de sitcoms et de séries françaises.

Pour ne citer que quelques poids lourds programmés dans l’émission à cette époque : Olive et Tom (1983), Nicky Larson (1987), Les Chevaliers du Zodiaque (1986) et bien sûr Dragon Ball (1986) !

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Dorothée en voyage au Japon pour s’imprégner de la culture et tourner des émissions.

On peut également mentionner une émission contemporaine du Club Dorothée, Youpi ! L’école est finie (1987-1992), qui a diffusé des productions japonaises comme Embrasse-moi Lucile (1982), Jeanne et Serge (1984), Princesse Sarah (1985) ou encore Magie Bleue (1989).

Cette domination télévisuelle du Japon a continué à se poursuivre pendant de longues années à travers de nombreux autres programmes TV jeunesse notamment sur M6 Kid ou encore TF1.

Elle a évidemment eu pour conséquence d’influencer durablement générations après générations de jeunes Français. La génération Y surtout, appelée millennials en anglais (les personnes nées entre 1980 et 2000) est probablement celle qui a été la plus impactée par cette stratégie de commercialisation bien rodée.

L’une des raisons qui a également beaucoup contribué à cette présence télévisuelle importante c’est qu’à l’époque, l’animation japonaise, qui n’était pas encore le business phénoménal qu’elle est devenue aujourd’hui, était bien moins chère que les productions animées françaises.

À titre de comparaison, en 1980, une production animée japonaise coûtait 20,000 Frs l’épisode alors qu’un dessin animé Made In France coûtait 30,000 Frs la minute !

La conquête culturelle de la France par le Japon ne s’est donc pas faite complètement sans heurts. Après un certain temps, il y a logiquement eu un rejet de cette culture importée. Une véritable vague anti-manga, anti-séries japonaises et plus généralement anti-Japon s’est développée face à cette déferlante ininterrompue de productions en provenant du pays du soleil levant.

Et cette résistance fut autant juridique, notamment sous l’impulsion du CSA (créé en 1989) que politique avec l’opposition affirmée de politiciens comme Ségolène Royal entre autres. D’autres politiciens, comme Jacques Chirac ont eux plutôt décidé d’afficher au grand jour leur amour pour le Japon et sa culture.

Car même sur des séries emblématiques qu’on aurait pu penser françaises ou américaines, le Japon est venu apporter sa touche et son expertise : Maya l’Abeille (1975), Cubitus (1981), les Mystérieuses Cités d’Or (1982) ou encore les Minipouss (1983) ou encore l’Inspecteur Gadget (1983) ont toutes été coproduites avec le Japon.

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Quelques couvertures de magazines d’époque dédiées à la pop culture japonaise.

Des répercussions contemporaines dans de nombreux domaines

Cette présence culturelle japonaise a été si prolongée et si considérable dans notre pays qu’on peut encore facilement en observer les conséquences dans de nombreux domaines de notre société.

Quelques exemples :

  • Consommation de produits culturels

Aujourd’hui encore, la France est le 3e plus gros consommateur de mangas dans le monde en termes d’exemplaires vendus et a jusqu’à récemment longtemps tenu la deuxième place. En 2019, il s’est en effet vendu dans l’Hexagone plus de 16,6 millions d’exemplaires. Un record historique et une progression de 11 % par rapport à 2017. Cela représente 39 % du marché de la BD.

Autrement dit, plus d’une BD sur trois achetée en France à l’heure actuelle est un manga… La France représente ainsi à elle seule 22 % des recettes de ce genre littéraire dans le monde.

  • Enseignement

L’engouement pour la langue japonaise se traduit par un nombre toujours croissant d’apprenants en japonais en France. La langue japonaise est enseignée en France depuis plus de 150 ans, mais son enseignement a connu un développement soudain en France à partir des années 1970 et 1980, période qui coïncide justement avec la conquête médiatique de nos écrans par le Japon.

Dans le domaine de l’enseignement supérieur en France, au moins une dizaine d’universités proposent un cursus complet en japonais et au moins une vingtaine d’universités proposent aujourd’hui un enseignement de troisième cycle. Il est désormais possible d’apprendre cette langue en initiation dans plus de 60 établissements du supérieur en France. Une preuve supplémentaire de sa popularité toujours croissante.

  • Évènementiel

En France, les évènements, conventions et salons locaux ou régionaux célébrant les nombreuses facettes de la culture japonaise (cosplay, jeux vidéos, animes, mangas, cinéma, etc.) se comptent par dizaines ! On peut notamment citer le Paris Manga & Sci-Fi Show (créé en 2006 ; 150.000 visiteurs à l’année), la convention Japan Expo Sud à Marseille ou le festival Animasia de Bordeaux.

La Japan Expo surtout, sort du lot en s’imposant comme l’évènement dédié à la culture populaire nippone le plus important d’Europe. Créé en France en 1999, le salon qui accueillait environ 3000 personnes lors de sa première édition, a vu sa fréquentation s’accroitre de manière exponentielle jusqu’à atteindre plus de 250.000 visiteurs lors de son édition 2019. (Chiffres infora/Wikipédia)

  • Tourisme

Dans le domaine du tourisme également, on note depuis de nombreuses années déjà un intérêt grandissant des Français à aller visiter l’archipel.
Entre 2010 et 2018, le nombre de touristes français au Japon a doublé. L’Office National du Tourisme Japonais a annoncé qu’il était passé de 151.000 à environ 300.000.
Le quota – de 1500 places – pour le visa Working Holiday au Japon a lui fini par être atteint pour la première fois en 2019, signe que l’intérêt touristique pour le Japon ne faiblit pas.

Lire aussi : Quelle ville pour un Working Holiday Japon ?

Au total en 20 ans, le nombre de touristes français en visite sur l’archipel a donc été multiplié par 4. Seul le tsunami de 2011 et bien sûr la fermeture des frontières en avril 2020 à cause de la pandémie de Covid-19 ont pu ralentir cette formidable progression.

Comment le Japon influence la France depuis plus de 50 ans

J’aurais également pu citer d’autres domaines à travers lesquels le Japon s’est implanté en France, notamment dans les domaines de la gastronomie, de la musique (avec la Jpop dans les années ’90) et de la mode.

Linguistiquement aussi, le Japon nous a transmis un vocabulaire original et hétéroclite, aujourd’hui très utilisé et de plus en plus souvent intégré à notre langue. Il n’y a désormais pas que les fans du Japon qui connaissent la signification des mots kawaii, bento, haiku, origami, sakura, otaku, etc. Les mots « mochi » et « mangaka » et « anime » feront d’ailleurs leur entrée dans le dictionnaire Le Petit Robert en 2021.

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Faire son entrée dans le Petit Robert, la consécration pour un mot étranger.

Une ferveur qui dure encore et toujours

Dans l’imaginaire de beaucoup de Français, la culture japonaise représente donc souvent une madeleine de Proust, surtout chez les millénials pour lesquels elle a constitué une bonne partie de leur enfance.

Mais cette ferveur et cette fascination pour les produits culturels nippons se confirme toujours aujourd’hui. On peut l’illustrer avec deux exemples récents : les succès au cinéma des films « Les Enfants du Temps » (2019) ou encore du film « Your Name » (2016) avec ses plus de 250.000 entrées en France, de très bons chiffres pour un film d’animation japonais.

Après un léger passage à vide il y a quelques années, l’industrie du manga est à nouveau en plein boom dans l’Hexagone, portée par des titres comme One Piece (1997) ou Demon Slayer (Kimetsu No yaiba – 2016).

Lire aussi : Le Japon et la France : deux pays qui s’idéalisent l’un l’autre

De nos jours, le marché des produits culturels japonais se porte donc encore très bien en France et il est fort probable que cette tendance continue. L’une des raisons à cela est dû au fait que la population de l’archipel diminue d’année en année, une tendance à la baisse bien partie pour durer au cours des prochaines décennies.

Avec moins de clients disponibles pour écouler leurs produits localement, les entreprises de divertissements nippones se tournent depuis quelques années de plus en plus vers les consommateurs étrangers afin d’écouler leurs productions artistiques. Et la France leur ouvrira clairement les bras.

En savoir plus : Les Japonais vont-ils disparaître ?

La Japan Expo 2019 à Paris et ses plus de 250.000 visiteurs.

Conclusion

Force est donc d’admettre que la pop culture japonaise n’est en rien resté un phénomène de mode ancré au sein d’une époque révolue. C’est un univers et un courant culturel toujours bien vivant et qui n’est jamais à court de nouveautés à proposer et plus productif que jamais !

Le Japon est donc toujours à l’heure actuelle un pays dont la culture est extrêmement populaire en France.

Mais surtout, ce pays nous a tellement impacté et pendant si longtemps que notre engouement est bien parti pour durer pour un bon moment encore. La vague japonaise n’a pas fini de produire des remous en France.

Bien sûr toutes les franchises nippones n’ont pas toutes réussi à atteindre et à s’imposer dans l’hexagone. Certaines franchises cultissimes sur l’archipel comme Doraemon (1969) ou Anpanman (1973) par exemple, deux kodomo mangas (mangas pour enfants) pourtant omniprésentes au Japon depuis des décennies, n’ont jamais percé en France.

En réalité, un nombre considérable de mangas et d’animes, de films, de séries de consoles de jeux et autres musiques n’ont jamais bénéficié d’une exploitation à l’international malgré leur succès au Japon. Ils ne sont ni perdus ni oubliés bien sûr et feront certainement le bonheur des puristes et des fans du Japon pour qui la quête de ces produits est un passe-temps et une passion.

D’ailleurs pour tous ceux qui recherchent des produits et goodies Made In Japan, je vous recommande de jeter un œil à ZenMarket. C’est un site qui vous permet de commander des produits japonais depuis la France ou ailleurs. Pas de pub cachée, je pose juste ça là parce que je trouve le concept très pratique et leur site bien foutu.

Un site pratique pour se fournir en produits du Japon.

Le Japon nous a offert tellement de contenus en plus de 50 ans qu’il est bien sûr impossible de tout lister via un simple article de blog donc je ne vais pas me risquer à le faire. Sachez juste que j’ai fait – vraiment beaucoup – de recherches et que j’ai trouvé énormément d’infos. Trop pour tout lister ici et prendre le risque d’en laisser certaines de côté sans raison.

Je laisse donc à chacun le soin de se replonger dans ses propres souvenirs pour vous permettre de repenser à ce qui vous a personnellement marqué.

En tout cas merci d’avoir pris le temps de lire cette analyse jusqu’au bout. Elle m’a demandé beaucoup de temps de recherche et d’écriture et il y aurait encore beaucoup à en dire dur ce sujet pour comprendre comment le Japon influence la France depuis plus de 50 ans.

Et si vous avez des infos supplémentaires à apporter ou un commentaire à laisser, ne vous privez pas !

À bientôt sur MycrazyJapan  !

 

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